Biographie de Jean Rostand

30 octobre 1894 - 4 septembre 1977

Jean Rostand est né le 30 octobre 1894 à Paris. C’est encore un jeune enfant lorsqu’il arrive à Cambo-les-Bains avec ses parents. Il est d’un tempérament solitaire. « Quand les personnes voulaient voir mon père, je fuyais toujours dans le jardin. J’étais timide, extrêmement timide. Je ne faisais rien alors pour avoir, pour chercher le contact avec les gens. J’ai toujours eu très peur des hommes ». Adulte, il dit être resté « un grand sauvage » . « J’ai aussi le goût de la solitude. Timidité et solitude sont intimement liés . J’ai un très grand pouvoir de solitude je pourrais rester deux ans dans la maison et dans mon jardin sans en sortir ; je ne souffrirais pas ». Sans doute en réaction inconsciente envers son père, il a tout jeune « l’aversion, le dégoût de tout ce qui était littéraire ; j’étais un peu scientifique. Déjà à l’école, j’étais très mauvais en lettres et excellent en sciences, même en mathématiques. J’adorais mon père, je l’admirais, je le vénérais mais, certainement, j’ai dû faire une petite résistance. C’était et c’est peut-être la crainte de ne pas pouvoir faire quelque chose dans ce domaine ».

Un enfant sauvage et passionné de biologie

Dans un entretien avec Eric Laurent en 1975, il se souvient de son enfance : J’étais un enfant sauvage, assez difficile, pas très obéissant, mais enfin prenant des colères, assez rebelle à certaines choses. Je ne voulais pas qu’on me coiffe, qu’on me frise ! Voici un portrait de moi avec des cheveux bouclés de fille ; j’étais furieux, alors, d’avoir des boucles de fille ; je criais quand on venait les enrouler, quand on devait les friser ; je devais avoir sept ou huit ans. Je n’aimais pas non plus qu’on me mette de jolis costumes avec des tas de dentelles. J’allais me rouler dans le gazon pour les salir. J’étais un peu indiscipliné.

Jean Rostand, d’un tempérament solitaire, ressemble à son père. La vie à la campagne offre au jeune garçon l’occasion d’observer la nature, éveillant son intérêt pour l’histoire naturelle. « Dans le grand parc familial d’Arnaga, et dans les bois avoisinants, je rencontrais, à profusion, de quoi entretenir ma passion naissante et stimuler mes curiosités ». « Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je me vois fouillant la terre, battant les buissons pour attraper des mantes religieuses, attrapant des papillons avec un filet. A six ans, sept ans déjà, j’étais un passionné d’insectes ». Les insectes lui sont « plus précieux que les plus beaux jouets sortant des magasins ». 
Loin de tempérer cette passion, son père lui offre un petit laboratoire pour ses expériences. C’est à l’âge de neuf ans que son intérêt se transforme en passion avec la découverte des « Souvenirs entomologiques » de Jean-Henri Fabre.

Dans son discours de réception à l’Académie française, il raconte le début de sa passion pour les sciences naturelles : 
« J’avais à peine neuf quand je lus, au dos d’un mince cahier scolaire, une page tirée des Souvenirs entomologiques. Il s’agissait du scarabée sacré et de ses pilules de bouse. Étrangement remué par ces quelques lignes, j’exprimai aussitôt le désir d’avoir le volume qui les contenait. On me donna le premier tome des Souvenirs, puis le second ; et bientôt, je les possédai tous les neuf… L’un après l’autre, je les dévorai. Un monde insoupçonné s’ouvrait à moi, qui n’était plus le monde de l’enfance, mais restait celui de la féerie. J’écrivis à Fabre, et Fabre me répondit. Il fit mieux. Il m’envoya quelques insectes de sa Provence qui gardaient sur eux, comme une invisible phosphorescence, la gloire d’avoir été touchés par l’homme de Sérignan ».

Son père raconte que ces livres « avaient le singulier pouvoir de faire tenir tranquille un petit garçon turbulent ». Jean décide alors de « prendre pour modèle ce vieillard en sabot ». Plus question pour lui d’une autre carrière. « Je rêvais d’être naturaliste comme d’autres enfants rêvent d’être explorateur ou général ».

A la fois homme de sciences et homme de lettres, il contribue à faire de la biologie une science majeure (De la mouche à l’homme) et signe de nombreux ouvrages philosophiques (Pendant qu’on souffre encore, La Loi des riches). L’essentiel de ses travaux porte sur la parthénogenèse (reproduction sans mâle dans une espèce sexuée). Il étudie également la génétique des amphibiens à travers les caractères héréditaires des mutations chez les crapauds et les grenouilles. Tout comme son père, il entre à l’Académie Française en 1959. 

Le scientifique

Sa mère Rosemonde, ayant apparamment souffert de sa scolarité chez les dominicaines de Nancy à Neuilly-sur-Seine, refuse de mettre ses enfants en internat à Bayonne. Elle fait venir des professeurs particuliers d'histoire, de calcul, de sciences, de philosophie. Le latin est enseigné par Louis Labat, le secrétaire d'Edmond Rostand et l'anglais par la nurse anglaise, Miss Day.

En 1904, il correspond avec Jean-Henri Fabre et dévore ses Souvenirs entomologiques

C'est un travailleur acharné, contrairement à Maurice. 

Il passe en 1909 la première partie du baccalauréat à Paris puis la seconde partie à Bordeaux en 1911, série Philosophie.

Il s'installe un petit laboratoire dans le Moulin d'Arnaga. Il y mène des expériences de physiologie. Il injecte en particulier des hormones aux lapines pour provoquer la naissance de mâles.

Après le baccalauréat, il entreprend de brillantes études universitaires dans de nombreux domaines : physiologie générale, biochimie, minéralogie, botanique, histologie, embryologie générale. Il obtient en juin 1914 le diplôme de licencié ès sciences naturelles.

Réformé pour faible constitution il travaille à l'Hôpital militaire du Val de Gâce à la mise au point d'un vaccin contre le typhus.

Jean Rostand, Biologiste, écrivain, moraliste

Fils de deux poètes, un père couvert de gloire, Jean choisit de s’écarter de la littérature pour la biologie. Ses recherches sont d’une grande diversité. Les plus importantes portent sur la parthénogénèse (reproduction par voie chimique d’œufs non fécondés), sur l’étude des anomalies chez les batraciens, sur la conservation des cellules. Jean Rostand est aussi un important moraliste. Humaniste engagé, il fustige les fanatismes, les injustices. Il cherche à mettre en garde contre les progrès de la science et notamment sur les dangers des essais nucléaires. Dans les années 70, il s’engage en faveur des droits des femmes. Jean Rostand se révèle un grand vulgarisateur scientifique. Ses livres ont marqué toute une génération. Car le fils d’Edmond Rostand a un véritable style. « C’est un savant qui écrit bien mieux que personne » dit de lui André Maurois. Il écrit quatre-vingt dix ouvrages entre 1919 et 1975. Il est élu à l’Académie française en 1959. Mais ce qu’il préfère entre tout, c’est d’être « au bord d’un étang, quand je pêche des grenouilles, des têtards ». « La morale biologique est basée sur trois critères : se comporter non comme un animal mais comme un homme ; non comme un enfant, mais comme un adulte ; non comme un névrosé, mais comme individu sain » « Je sais très bien qu’il y a en moi un peu de romantisme à la Cyrano. « Ne pas monter bien, peut-être, mais tout seul »

Le pacificiste

Jean Rostand a 20 ans en 1914. Comme tous les hommes, il est réquisitionné. Mais de constitution chétive, il est réformé. Il s’engage dans le service de santé, comme infirmier à l’Hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris. Il travaille en laboratoire sur le traitement de la syphilis et de la typhoïde. Il profite de son temps libre pour poursuivre ses études à la Sorbonne où il obtient le certificat d’embryologie. Il entreprend alors une thèse au Laboratoire d’Evolution des êtres organisés, sous la direction de Maurice Caulery. Alors que celui-ci lui propose « La dentition des rongeurs », Jean opte pour « La paedogénèse des Miastors ».

Comme son frère Maurice, il est profondément opposé à la guerre. Sa révolte s’exprime dans un ouvrage qu’il publie en 1919 sous le nom d’emprunt de Jean Sokori «Le retour des pauvres». Ce pamphlet accuse avec virulence les «Riches». 

Pour lui, les Pauvres sont «allés se faire tuer, sans protester, sans hésiter, pour défendre les biens des autres hommes», «pour vous, pour votre argent à vous, pour votre honneur à vous». 

Il prévoit qu’au retour des soldats « vous recommencerez à les traiter comme autrefois », «vous aurez pour eux la même insolence, une haine égale, un pareil mépris. Rien ne sera changé. Vous referez tout naturellement balayer vos parquets et enlever vos ordures par ces hommes merveilleux». 

L’éditorialiste de l’Humanité juge l’ouvrage « d’une bonne volonté un peu jeune ». Mais un an plus tard, l’écriture de Jean a muri avec « La loi des Riches » publié en 1920. Il couvre sa colère d’un féroce humour au second degré. 

Avec « Pendant qu’on souffre encore », Jean Rostand change de ton. Son pacifisme devient moins généraliste, plus personnel. Il l’incarne, l’humanise. 
Dans la première partie « Celui qui aime », il fait parler la femme du soldat qui part au front, sa souffrance, sa révolte, son refus de la mort de l’être aimé. « Jamais je n’admettrai qu’il puisse y avoir une équivalence entre sa vie et les buts que vous me proposez. Il révèle le besoin des épouses « d’élever à leur place le cri animal de l’instinct qu’ils ne veulent pas se résoudre à pousser ». 
Dans le chapitre suivant (Celui qui ne veut pas mourir », il prend la défense du déserteur méprisé car il a « l’inconvenance inouïe de vouloir vivre. ». Il raconte ces jeunes forcés à combattre, accusés de lâcheté. Pour Rostand «… toute honte, tout mépris valent encore mieux que de ne plus être, et qu’il faut n’avoir jamais vu un cadavre pour ignorer l’insolente supériorité des vivants ». Il proclame « l’intolérabilité de la mort » et réclame le respect pour les « innocents, qui ne commettent d’autre crime que de vouloir vivre quand tous meurent ».

L’antinucléaire

« On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d’hommes, on est un conquérant. On les tue tous, on est un dieu ». Jean Rostand s’inquiète du pouvoir destructeur du nucléaire pour l’humanité.

L’armement atomique en premier lieu. « Hiroshima. Nom sinistre, abhorré à jamais inscrit dans les annales des crimes de l’homme contre l’homme ». Il condamne les essais. « Les explosions nucléaires font pis que tuer ; elles préparent de la mauvaise vie, elles mettent en circulation des gênes défectueux qui vont proliférer indéfiniment ». »Il est l’un des fondateurs du Mouvement contre l’armement atomique en 1963.

Il craint aussi l’atome civil, source de pollution, émettrice de déchets toxiques de longue durée. Mais il est conscient que « nous serons forcés, bon gré, mal gré, de l’accepter un jour pour suppléer les autres sources d’énergie en voie de tarissement ». 

Citoyen du monde

Le 15 novembre 1968, Jean Rostand prononce un important discours sur le pacifisme dans la salle de la Mutualité, à Paris. 

"Quand on voit les atrocités, les injustices, les exactions commises au nom de l’ idole patrie ; quand on voit à quelles sanglantes impasses conduisent tous les nationalismes ; quand on voit comment, pour un peu de pétrole, de cobalt, ou d’uranium, les sentiments les plus élémentaires d’humanité se trouvent bafoués… comment ne pas rêver, tout au moins, d’une humanité sans frontières et capable enfin de se consacrer à des tâches non plus mesquinement nationales, mais planétaires. 

Le spectacle que donne présentement le monde n’est pas fait pour rassurer les amis de la paix. Jamais il n’a paru plus désuni et plus éloigné de l’union. Partout flambent les nationalismes, les chauvinismes, les racismes, les fanatismes.
Partout règnent en maître l’esprit de rivalité, la volonté de domination, la sauvagerie des soi-disant civilisés. Et dans ce monde si dénué de fraternité, non seulement les bombes s’accumulent dans les arsenaux et sans cesse augmente le nombre des pays possédant ou briguant le hideux standing atomique, mais encore la décision suprême, assassine, dépend d’une volonté unique. Elle peut être prise par un seul homme, un seul : qui peut être un agité, un persécuté, un mégalomane, un névrosé enfin, puisque jusqu’à nouvel ordre on n’exige pas de ceux qui nous conduisent un certificat de psychiatre. 

Or, il n’est qu’un moyen de conjurer le péril, un seul moyen de prévenir le déchaînement des forces infernales : c’est la constitution d’un gouvernement mondial."

Etre pacifiste c'est

"Etre pacifiste, c’est ne prêter qu’une oreille méfiante à ceux qui recommandent aujourd’hui le massacre, sous prétexte qu’il en préviendra un plus copieux demain ; c’est, sans méconnaître les droits de l’avenir, donner la priorité à la vie des vivants ; c’est vouloir la paix, même si elle n’a pas tout à fait la couleur qu’on préfère ; c’est lui rendre grâce alors même que toutes nos passions n’y trouvent pas leur compte ; c’est admettre que l’intérêt de la paix puisse ne pas coïncider avec celui de notre patrie ou de notre idéologie ; c’est oublier cette ignoble vérité que le sang sèche vite ; c’est garder toujours présent à l’esprit l’inépuisable contenu négatif du mot PAIX, tout ce qu’il comporte en lui de non-souffrance, de non-détresse, de non-misère, de non-désespoir, de non-désolation ; c’est voir obstinément en toute guerre la gigantesque erreur judiciaire que fait la somme des peines capitales infligées à tant d’innocents ; c’est ne pas consentir aux grossières simplifications et falsifications que diffusent les propagandes pour attiser les haines ; c’est refuser d’égrener le chapelet des slogans de commande et des calomnies de consigne ; c’est ne pas clamer qu’on veut la paix quand on fait le jeu des fanatismes qui la rendent impossible ; c’est dénoncer sans relâche l’atrocité, l’ignominie de la guerre, mais se garder d’imputer à l’un des belligérants des atrocités hors série ; c’est s’interdire de dénoncer d’un côté ce qui se fait ou se ferait aussi du côté adverse ; c’est condamner, dans tous les camps, les jusqu’au-boutismes et les intransigeances ; c’est s’affliger quand, pour quelque cause que ce soit, on voit un fusil entre les mains d’un enfant ; c’est être obsédé par les fantômes de tous ceux qui sont morts pour rien ; c’est préférer que les réconciliations devancent les charniers ; c’est n’être jamais sûr d’avoir tout à fait raison quand on souscrit à la mort des autres…Un monde uni ne pourra être bâti que par des hommes et des femmes ayant au cœur ce pacifisme-là. » Jean Rostand

Les portraits de Jean Rostand

Les photographies et dessins ci-après appartiennent aux collections du musée Edmond Rostand. Merci de le citer en copyright en cas d'utilisation privée non commerciale.

Pour toute autre utilisation, une autorisation est à demander.

Voir toutes les photographies de Jean Rostand

Papillons de Jean Rostand

Le musée Edmond Rostand conserve neuf boîtes de papillons de la collection de Jean Rostand. Trop fragiles, ils ne peuvent plus être exposés.

Des entomologistes passionnés ont très aimablement proposé de reconstituer ces boîtes avec des papillons contemporains. 

Bruno BESTION de CAMBOULAS a mené à bien ce projet de plusieurs mois avec l’appui de Pierre-Camille LEBLANC et d’Olivier LAURENT. Tous trois sont les fondateurs (président, secrétaire et membre) de l’ANEF nature (association des naturalistes et entomologistes de France), en particulier des Pyrénées Atlantiques et des Landes.

Ces boîtes sont désormais exposées dans la chambre des enfants au premier étage de la Villa Arnaga. 

Vous trouverez ci-dessous les boîtes d’origine, les fac-similés et le nom scientifique des papillons. 
Bruno Bestion explique par ailleurs la méthode de préparation des papillons. 

Mais attention, la chasse aux paillons est réglementée et certains papillons de jour comme de nuit sont protégés: 

  • La protection des papillons en France 
  • Les outils réglementaires de protection strictes des espèces sauvages
  • Le papillon, symbole de la protection du patrimoine naturel par Jean-Claude Robert

Voir les boîtes à papillons