Une ascendance illustre et lettrée

La jeune Rosemonde Gérard a bénéficié d'une éducation de qualité. Il semble qu'elle ait été entourée de personnalités éminentes du milieu littéraire et artistique de son époque. Le poète Leconte de Lisle, le romancier et dramaturge Alexandre Dumas fils, le musicien Jules Massenet semblent avoir joué un rôle important dans sa vie, peut-être en tant que mentors ou amis proches.

Une naissance auréolée de mystère

Louise, Rose, Étiennette nait le 5 avril 1866 à 9 heures du matin au 21 rue Brocher à Paris. Elle est présentée sur le registre d’état civil comme « fille de père et mère inconnus ». La déclarante, affirme ignorer les noms et domiciles de la mère. Julie Antoinette Wertz, rentière âgée de 35 ans, demeurant 132 rue du faubourg Poissonnière, seule, présente à l’accouchement assistée de Joseph Rémond, âgé de 35 ans demeurant 31 rue de la Félicité et de Louis François Navel, 34 ans, demeurant 61 rue de Bourgogne, tous deux tambours.

Dans la marge, Louis Maurice comte Gérard se reconnait comme son père deux ans plus tard, le 7 janvier 1868. 

La famille paternelle


Par son père, Rosemonde fait partie d'une illustre famille. Son grand-père, Etienne Maurice Gérard (1773-1852) est un héros des guerres napoléonienne, maréchal d'Empire puis maréchal de France.

Son arrière-arrière-grand-mère est madame de Genlis, célèbre romancière et pédagogue.

Le père Maurice Gérard

Peu d'informations sont disponibles sur le père de Rosemonde Gérard, Louis Maurice Fortuné Gérard. Il est né en 1819 et est décédé en 1880 à l’âge de 61 ans. Il a été colonel de Cavalerie. A la naissance de Rosemonde, il a 47 ans. Il est chef de corps du 1er régiment de chasseurs à cheval. Les deux tambours, témoins de la naissance de sa fille, font probablement partie de son cercle proche. Il est officier de la Légion d’Honneur.

Au détour d’un texte, Rosemonde précise que son père fréquentait Leconte de l’Isle, déclarant : « Ayant été l’ami de mon père autrefois, il s’occupait beaucoup de mes vers et de moi ».

Bien que l'enfant ne vive pas avec son père, il lui témoigne sa tendresse à travers des lettres, l'appelant affectueusement « Ma chère petite minette chérie », « Je tiens trop à te faire plaisir, ma chère petite Minette, pour te refuser ce que tu me demandes », « Je t’embrasse comme je t’aime de tout mon cœur ». « Tu me manques beaucoup, et je m’en aperçois bien depuis ton départ ».

 

Ce père décède le 8 août 1880 à son domicile 95 rue du Faubourg Saint Honoré à Paris, alors que Rosemonde a seulement 14 ans. Dans son testament, il lègue à sa fille sa fortune, ses meubles et son appartement au complet. Il laisse à son neveu, le Comte d’Archiac, la moitié de la maison de la rue de Berry et une somme de 100 000 francs, à reprendre sur ses bois de Grizolles. Il demande à son ami le comte Le Grand d’être le tuteur de sa fille. Il lui lègue les ¾ de sa fortune, soit la somme de 900 000 euros.

Le grand-père paternel Etienne Maurice Gérard

Rosemonde Gérard a pour grand-père paternel Étienne Maurice Gérard (1773-1852), un homme aux faits militaires impressionnants. Engagé volontaire à l'âge de 18 ans en 1791, il participe à toutes les campagnes de l'Empire. Au fil des années, il gravit les échelons militaires, brigadier en 1792, lieutenant en 1793, capitaine en 1897, colonel en 1800, général en 1806.

Sa carrière militaire est ponctuée de distinctions honorifiques, devenant baron en 1809, puis comte d'Empire en 1813, et enfin pair de France en 1815. Il reçoit la grand-croix de la Légion d'honneur, symbole de son engagement exceptionnel pour son pays.

Après cette brillante carrière militaire, Étienne Maurice Gérard se lance dans la politique. Il est député en 1822 dans l'opposition libérale et occupe le poste de ministre de la Guerre sous Louis-Philippe en 1830. En 1831, il dirige avec succès l'armée du Nord pour contrer l'invasion néerlandaise. Sa carrière politique se poursuit comme sénateur du Second Empire en 1852.

L'arrière-arrière-grand-mère Madame de Genlis

Caroline Stéphanie Félicité du Crest de Saint-Aubin (1746-1830) épouse Charles Alexis Brûlart, comte de Genlis, à l'âge de 17 ans. Elle occupe le rôle de dame d'honneur de la duchesse de Chartres. À l'âge de 33 ans, elle est chargée de l'éducation des enfants du couple, notamment du futur Louis-Philippe. Elle se prend de passion pour l'enseignement qui contribue à l'amélioration des individus et, en conséquence, au bonheur de l'humanité. Elle base l'apprentissage sur l'expérience et la pratique. Elle fait réaliser des maquettes d'atelier d'artisans au 1/8e à partir des planches de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Le musée des arts et métiers de Paris conserve 13 de ces maquettes. En 1812, l'empereur Napoléon Ier reconnait ses compétences en la nommant inspectrice des écoles.

Outre son engagement éducatif, Caroline Stéphanie Félicité du Crest de Saint-Aubin est également une femme de lettres prolifique avec plus de 150 romans et nouvelles. Ses talents éducatifs et littéraires, se doublent de ceux de harpiste reconnue.

Son influence et son héritage ont profondément marqué Rosemonde Gérard qui lui consacre un ouvrage La vie amoureuse de Madame Genlis en 1926.

Famille maternelle


Officiellement, Rosemonde Gérard n'a pas de mère connue. Mais tout le monde savait que cette madame Lee, chez qui elle habitait et qui se présentait comme sa tutrice, était en réalité celle qui l'avait mise au monde.

La mère Sylvie Perruche

Silvie Zénobie Perruche est née en le 29 mars 1833 à Isory (Jura). Elle est la fille de Charles Edouard Perruche, garde général des eaux et forêts, et de Claudine Lacroix demeurant à Pont-Noir (Jura). Selon sa fille, elle était la nièce du philosophe spiritualiste Théodore Jouffroy qui fut professeur au Collège de France et membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques.

Elle a une liaison avec William Lee, rentier âgé de 66 ans, né le 15 janvier 1795 à Alton, canton de Southampton (Angleterre). Il est veuf d’un premier mariage avec Elizabeth Knigthley, décédée en 1844. Le couple a deux enfants, Edgar, qui se fera appeler Henry, né à Paris le 10 novembre 1858 et William, né à Paris le 31 octobre 1860. Ils se marient le 25 mai 1861. William père décède le 30 octobre 1879 à Paris à l'âge de 84 ans.

Rosemonde nait en 1866, d'une liaison adultérine. William Lee a alors 71 ans. Il y a peu d'information concernant sa petite enfance. Où vit-elle ? Comment William Lee la considère-t-il ?

La disparition de Maurice Gérard moins d'un an après le décès de son époux a probablement empêché Sylvie Lee de se remarier et ainsi de reconnaitre l'enfant.

Le salon littéraire de madame Lee

Quelques détails sur la vie de Madame Lee, la mère de Rosemonde Gérard, mettent en évidence une certaine aisance financière. En 1875, elle prête de l'argent à sa cousine Julie Perruche pour l'installation de son petit commerce à Constantinople.

En 1888, elle achète un des plus beaux hôtels du boulevard Malesherbes dans le voisinage du parc Monceau. Le journal L'Evènement du 13 décembre relate "Un salon réserve à ses hôtes de grandes jouissances littéraires, c’est celui de Mme Lee. Mme Lee est une femme du monde pour qui les choses de l’esprit passent avant tout. Sa fille, dont la grâce est sans égal, a un goût marqué pour la poésie. Un recueil de vers qu’elle a composés paraitra prochainement chez Lemerre".

Le Parisien du 30 décembre 1888 poursuit : " Mme Lee inaugurera, le 6 janvier prochain, son hôtel du boulevard Malesherbes, par une soirée comédie. Le nom de sa charmante fille figure au programme". La filiation est désormais reconnue dans la presse, preuve d'une reconnaissance publique de la famille dans les cercles sociaux parisiens de l'époque.

Les demi-frères de Rosemonde

Henry Lee ( 1858-1936), Edgar Henry Ferdinand Dieudonné Lee

Journal Le Jockey, Le Temps, Le Figaro, L'écho de Paris du 1er juillet 1936 annonce sa mort suite à une longue et douloureuse maladie. Il avait commencé par écrire des pièces de théâtre, Le gant rouge avec Edmond Rostand puis plusieurs pièces en un acte pour le Grand Guignol dont "La Glorieuse incertitude" le 2 juin 1922, inspiré du monde des courses hippiques et le monde de transes et de joie des parieurs bien reçu par la critique (la grande revue du 1er juin 1922). Passionné par les courses de chevaux et l'élevage, il collaborait à des journaux d’hippisme. Secrétaire de la rédaction du journal Le Jockey en 1885. Il tenait depuis 1918 la rubrique sports hippiques du journal Le Temps. Il avait écrit en 1914 un livre qui fait autorité, une anthologie Historique des courses de l'antiquité à nos jours, couronné par l'académie française. Il était chevalier de la légion d'honneur. A la sortie de la guerre en octobre 1918, il publie un article dans Le Temps pour (le Jockey 11 octobre 1918) demander avec vigueur la reprise de l'élevage des chevaux de course. Il a épousé Marguerite van Thiegem (La Nouvelle Lune 12 janvier 1890).

 William Lee (1860-1915)

William Lee est un potier qui a été estimé et reconnu . Il a participé à de nombreuses manifestations vouées à la céramique, obtenant des commentaires élogieux publiés dans la presse. Il reçoit une mention honorable au salon des artistes français de 1901. Il a publié en 1913 un ouvrage de référence L'Art de la poterie Japon France. Il y écrit notamment : L'émail a l'éclat, la finesse, le précieux, l'inaltérabilité. Et si l'on vient dire que le potier ne peut oeuvrer à lui tout seul, qu'il lui faut une aide : le feu, le potier répondra : "Je collabore avec un dieu."

Article dans COMŒDIA mercredi 14 avril 1909 : Peinture et Sculpture

Le frère de Mme Rostand, William Lee, est un céramiste de grand talent. Ses grès, d’une forme très personnelle, sont d’une tonalité très chaude et très colorée à la manière de Carries, avec des émaux coulés comme une fusion d’or et de pierreries. Il a installé un grand four dans la Nièvre, et c’est de là que sortent ses vases aux belles couleurs qu’on peut voir au Luxembourg. Au Salon de cette année, il envoie une vitrine de grès grand feu d’un bel intérêt artistique.