Un succès populaire
L’œuvre est extraordinaire de démesure, une totale folie : un nombre considérable d’acteurs, plus de 70 personnages, 195 costumes somptueux ayant demandé 35 000 heures de travail… Après le succès planétaire de Cyrano, sa sortie a été attendue avec une extraordinaire ferveur, attisée par les retards répétés. Les spectateurs viennent du monde entier assister à la première, le prix des places officielles est doublé, quant au marché noir…
La pièce est l’objet de critiques après la générale, mais connait un succès populaire avec 300 représentations en 1910 suivie de 700 en province et à l’étranger.
La prouesse technique de cette pièce l’a par la suite desservie. Elle a rarement été reprise, les moyens mis en œuvre par Rostand ayant été extraordinaires. Cette création reste unique dans l’histoire du Théâtre.
La mise en scène audacieuse crée une immense surprise. Elle montre des animaux de taille humaine dans un univers aux proportions de géants. Les décors inspirés de paysages de Cambo sont à l’échelle des personnages, grossis 5 fois. Ainsi, une chaise mesure 2,75m et une charrette 9m.
La mise en place des décors, particulièrement complexe, nécessite la présence de trente-cinq machinistes. Par exemple, deux troncs d’arbres en bois et cartonnages ignifugés exigent, pour être soulevés, l’effort de dix hommes. Un tapis de gazon dont chaque brin mesure 30 centimètres de haut, s’étendant sur 14 mètres de long et sur 7 mètres de large, pèse 500 kilos.
Les costumes créent la sensation. Tous les acteurs sont transformés en animaux géants, d’un étonnant réalisme.
Au final, la création des costumes des 129 animaux aura nécessité 30 ouvriers - costumiers, bonnetiers, peaussiers, ceinturonniers, plumassiers, fabricants d’yeux, cordonniers et fourreurs - pendant 120 jours. Une fortune…
La création des costumes a été confiée à Alfredo Edel, dessinateur de renommée internationale. Partant des croquis fournis par Rostand, il réalise près de 200 esquisses qui ravissent Edmond Rostand : « Les dessins d’Edel idéalisent mon œuvre ».
L’exigence de réalisme de l’auteur complique la tâche des costumiers notamment pour la mobilité des bras. Edel a l’idée de fabriquer, sous les ailes, une sorte de fourreau où les bras des comédiens peuvent se placer comme dans un habit ordinaire.