La famille de Jean Rostand : Andrée Mante et leur fils François
A l’âge de 26 ans, Jean épouse en 1920 Andrée Mante. Andrée est sa cousine germaine, la fille de Juliette, sœur d’Edmond. C’est une femme douce et effacée. Artiste sensible, elle sculpte et dessine de nombreux portraits de la famille et des amis. Leur fils François nait l’année suivante, en 1921. « J’attendais la naissance de mon fils avec intérêt, mais sans nulle fièvre. Je ne pensais même pas particulièrement à la venue d’un enfant. Mais à peine fut-il né que tout changea ! Ce fut pour moi, un véritable coup de foudre ! Ce petit animal soudainement entré dans ma vie représente dès lors quelque chose d’énorme, de capital, pour moi. Ce fut brusque et immédiat. Par la suite, la sensation de ce prodige énorme a subsisté… Une nouvelle vie avait commencé, bien plus sérieuse que ma vie propre. J’ai été - je suis ! – Un père très inquiet.» Jean va protéger son fils toute sa vie. Grâce à lui, François vit dans l’aisance. Le fils s’inscrit dans la tradition familiale en écrivant. Son intérêt le porte vers les mathématiques et la linguistique. Mais le poids de la lignée familiale semble lourd pour le dernier des Rostand, discret et solitaire. Il s’éteint en 2003 chez les petites soeurs des pauvres, sans descendance.
Le révolté de la grande Guerre
Jean Rostand en dira «C’était de petits pamphlets sociaux pour exprimer une espèce d’état, mettons une certaine révolte sociale ; j’avais besoin d’exprimer des sentiments, d’une façon peut-être un peu naïve mais en tout cas avec une sincérité qui a touché certains lecteurs.» Photographie de Jean (2e à droite) au Val-de-Grâce. Jean a 20 ans en 1914. Comme tous les hommes, il est réquisitionné. Mais de constitution chétive, il est réformé. Il s’engage dans le service de santé, comme infirmier à l’Hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris. Il travaille en laboratoire sur le traitement de la syphilis et du typhus.
La dénonciation des riches
Un an après le «Retour des Pauvres», Jean Rostand publie sous son vrai nom «La Loi des Riches». Il couvre cette fois-ci sa colère d’un humour féroce. Dans ce texte parodique, Jean incarne un père riche qui veut combattre la «sensibilité étrange» de son fils. «Tu as des remords, des hésitations, des scrupules. Tu te demandes, n’est-ce pas, s’il est bien juste que les Pauvres soient pauvres». Il exige de son fils qu’il applique «La Loi des Riches». «Notre classe est menacée par les Pauvres déchaînés. Des hommes qu’on appelle socialistes, c’est tout dire, ont perverti le cœur des Pauvres et leur apprennent patiemment les moyens de s’unir pour nous abattre. Tout ce que racontent les pauvres est faux. Ils mentent avec effronterie. La Loi interdit formellement de leur accorder quoi que ce soit. Il n’est pas difficile, parbleu ! de donner ; il est bien plus difficile, et autrement méritoire, de refuser. Tu rends aux pauvres même que tu prétends soulager le plus déplorable des services. Si tu t’apitoies sans contrôle, si tu donnes à tort et à travers, comment veux-tu que les coupables se corrigent ? » Jean Rostand. La Loi des Riches. Éditeur Bernard Grasset Paris, 1920 Exemplaire dédicacé à son frère Maurice Rostand. Quarante ans après la publication, Jean Rostand analyse son livre. «Dans la Loi des Riches, je traite des rapports sociaux à cette époque, il y a à peu près 50 ans. Les riches et les pauvres, des riches avec leurs serviteurs, des patrons et des ouvriers. C’était un livre de révolte sentimentale. S’il avait fallu situer ce pamphlet politiquement, il aurait été à l’extrême gauche. Je n’ai jamais fait de politique, mais j’ai toujours eu des idées très marquées j’ai toujours été pacifiste et surtout très égalitaire, sans jamais adhérer à aucun parti.»
Entre conviction et ouverture d’esprit
Jean Rostand est un homme de conviction d’une grande ouverture d’esprit. Il est en permanence conscient de devoir ajuster ses idées à la réalité. « Je suis contre toute dictature. Plus encore contre la torture. Je connais l’argument : J’en tue ou j’en torture trois, mais j’en sauve 20 000. Cet argument, je ne l’accepte pas. Mais je comprends que, dans un cas concret, on puisse se poser la question. Si, en 1939, quelqu’un avait pu dire : si je tue Hitler, j’empêcherai la guerre , où était son devoir ? » Sur la question de l’avortement, cet homme profondément respectueux de la vie humaine explique en 1972 : « Il y a 10 ans j’aurais dit non (à l’avortement) et j’aurais répondu : respect absolu de la vie ! J’ai étudié les dossiers et, là encore, j’ai un peu changé d’avis. Les conditions psychologiques et sociales sont telles actuellement que je ne peux plus le refuser. La société capitaliste où nous vivons permet aux filles de bonne famille de se faire avorter alors qu’elle l’interdit aux autres. Cette régression de classe m’indigne ». Il témoignera en faveur des accusées au célèbre procès de Bobigny en 1972. Le procès de Bobigny juge cinq femmes pour l’avortement d’une jeune fille après un viol. L’avocate Gisèle Halimi en fait un procès politique qui fera évoluer les mentalités et contribuera à la loi Veil en 1975. Jean Rostand fonde en 1971, avec Simone de BEAUVOIR et Gisèle HALIMI, le mouvement féministe CHOISIR, avec Jacques MONOD, Prix Nobel, comme co-président.
Agnostique et libre penseur
« La science a fait de nous des dieux, avant même que nous méritions d’être des hommes. Libre Pensée… Depuis les temps lointains de ma jeunesse, j’ai toujours associé ces deux mots, et j’ai toujours cru que leur indissoluble jonction était la condition nécessaire de tout progrès et de toute lumière. Au soir de ma vie, j’en reste plus convaincu que jamais, après avoir vu tant de mensonges et de critiques amenés par ceux qui, au nom d’un Dogme, d’un Mythe ou d’un Pouvoir, se permettent d’attenter aux droits sacrés de l’esprit. La culture ce n’est pas avoir le cerveau farci de dates, de noms ou de chiffres, c’est la qualité du jugement, l’exigence logique, l’appétit de la preuve, la notion de la complexité des choses et de l’arduité des problèmes. C’est l’habitude du doute, le discernement dans la méfiance, la modestie d’opinion, la patience d’ignorer, la certitude qu’on n’a jamais tout le vrai en partage ; c’est avoir l’esprit ferme sans l’avoir rigide, c’est être armé contre le flou et aussi contre la fausse précision, c’est refuser tous les fanatismes et jusqu’à ceux qui s’autorisent de la raison ; c’est suspecter les dogmatismes officiels mais sans profit pour les charlatans, c’est révérer le génie mais sans en faire une idole, c’est toujours préférer ce qui est à ce qu’on préfèrerait qui fût ». (Le droit d’être naturaliste) Jean Rostand a été Président d’Honneur de la Libre-pensée. « Jamais ! Jamais je n’ai été tenté par la foi et je n’ai jamais cru. Ça provient un peu des circonstances de mon éducation. À peine avais-je 9 ans, j’ai lu beaucoup de livres d’histoire naturelle. Ainsi, pour moi, la question de Dieu et de la survie ne s’est jamais posée, parce que j’ai été imprégné de cette littérature matérialiste. Jamais je n’ai eu la tentation de la foi. C’est rare qu’on puisse s’avancer comme ça, mais à 73 ans, je peux m’avancer. Non ! Jamais je n’irai vers la foi impossible ! Il y a incompatibilité absolue entre moi et la foi de ce genre. Je ne crois pas à l’âme, je crois que quand on est mort, c’est fini. Je ne crois pas à une punition ou à une récompense dans un paradis ou dans un enfer ».
Exposition 40e anniversaire de la disparition de Jean Rostand
Descendant d’une famille lettrée immensément célèbre, Jean Rostand rejette dans sa jeunesse la littérature, héritage trop lourd pour le fils de l’auteur de Cyrano de Bergerac et de Chantecler.
Dans cette exposition, nous vous proposons de suivre son cheminement, enfant solitaire et timide, passionné par les insectes, jusqu’à l’écrivain scientifique et humaniste devenu aussi célèbre que son père. Jean Rostand a publié plus de 90 livres. Pamphlets de révolte après la première guerre mondiale, livres de vulgarisation scientifique et d’histoire des sciences, ouvrages humanistes sur les grandes questions de l’après-guerre, sans compter les articles sur ses recherches en biologie.
Ses écrits ont marqué toute une génération. On ne compte plus les écoles, collèges, avenues qui portent son nom. L’Académie française lui a ouvert ses portes, comme à son père avant lui.
Tout au long des pièces de sa maison d’enfance, Arnaga, laissez-nous vous faire découvrir l’homme que fut Jean, fils d’Edmond et de Rosemonde.
Cette exposition s’appuie principalement sur les travaux de :
Albert Delaunay (1910-1993), médecin, biologiste et homme de lettres, ami de Jean Rostand. Collections musée Edmond Rostand.
Jean-Louis Fischer, Historien des sciences de la vie et de la médecine, auteur notamment du numéro spécial de Pour la Science : Jean Rostand, un biologiste engagé, mai-août 2001.
Alain Dubois, ancien élève de Jean Rostand, professeur au Museum national d’histoire naturelle qui a réédité et commenté : Jean Rostand, un biologiste contre le nucléaire, éditions Berg international.
Et l’amical soutien de Jacques Frétey, herpétologue (étude des reptiles), spécialiste mondiale des tortues marines : « C’est surtout Jean Rostand qui a été le propulseur primordial de mon parcours et le plus important à partir de quoi toutes les étapes de ma vie de naturaliste se sont succédées ».
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