De leur vie parisienne à Cambo-les -Bains, les Rostand ont de nombreux domestiques qui sont aux yeux d’Edmond Rostand des membres de la famille. Parmi ces gens de maison, quelques-uns bénéficient d’un réel attachement de la famille (la nounou). D’autres, comme le cocher, entrent au service des Rostand durant un parcours de vie parfois des plus chaotiques. Pour compléter cette image de la famille bourgeoise, les animaux ont également toute leur place, que ce soient, chiens, chats, chevaux ou perroquets.
Une domesticité attentionnée pour la famille
Les enfants, Maurice et Jean, sont élevés par une nourrice dès leurs jeunes années parisiennes. Maurice Rostand, dans Confession d’un demi-siècle, évoque ses souvenirs « C’est ma nourrice (…) je la revois, je la reverrai toujours!... Elle a de grandes couronnes de ruban autour de son visage rustique. Je l’aime. Elle fut un des premiers êtres que j’ai aimés, un de ceux que j’ai aimés le plus longtemps ! Elle portait le frais prénom d’Adeline mais, pour nous, ce fut toujours « Nounou » ». Adeline Delpech, la Nounou, reste au service de la famille jusqu’à sa mort. Les deux frères l’aimaient tellement et lui étaient si attachés qu'ils n’avaient jamais consenti à s'en séparer. Jean Rostand l’installa chez lui à Ville d’Avray. Le décès de Nounou en 1939 affecta toute la famille. Maurice rappelle que « sa mort fut un des chagrins de (s)a vie. En dehors de (s)es parents les plus proches, il ne croit pas qu’il y avait dans (s)a vie un être qu’il aimait autant ». Ci-contre : lettre de Rosemonde de 1939 n° inventaire 2019.18.01-2 | ||
Après Nounou, Rosemonde confie à des gouvernantes anglaises, Miss Hemphrey, puis à Miss Day le soin de veiller et d'instruire Maurice et Jean. Jusqu'en 1900, ils reçurent une éducation quelque peu exclusive, très étroitement surveillée par Rosemonde. L'installation à Cambo suite à la maladie d'Edmond Rostand modifia ce mode d'enseignement : les enfants feraient leurs études à la maison. Il fut décidé raconte Maurice Rostand « que nous travaillerions avec des professeurs qui viendraient jusqu'à Cambo ». Louis Labat, le secrétaire d'Edmond Rostand fut chargé de leur apprendre le Latin, Miss Day continua d'enseigner l'Anglais, on fit venir de Bayonne des professeurs, d'histoire, de calcul, de sciences. Edmond Rostand, à l'inverse de son père qui avait veillé sur ses études, ne se préoccupa guère de l'éducation de ses enfants. Seul ingérence, c'est lui qui imposa Raymond Lerouge pour dispenser la philosophie. | ||
Nounou, Miss Day et Louis Labat | ||
Parmi les huit domestiques et quinze jardiniers que Sarah Bernhardt dénombre lors de ses visites aux Rostand, il en est un qui a défrayé la chronique, le cocher puis chauffeur d’Edmond Rostand : Antoine Rondoni. Issu d’une famille bourgeoise romaine, partisane de Garibaldi, Antoine Rondoni doit s’expatrier, sa famille étant ruinée au moment de la guerre d’indépendance de l’Italie. Après plusieurs voyages en France puis au Brésil, il aurait fait la connaissance d’Edmond Rostand dans un manège parisien où ce dernier faisait du cheval avec ses fils. Lorsqu’Edmond Rostand s’installe à Cambo, il propose à Antoine Rondoni de l’engager comme cocher. Plus tard, Rondoni sera le chauffeur du poète. Une anecdote très relayée par la presse révèle le caractère fier du cocher. Un vétérinaire bayonnais se permit un jour de l’appeler « larbin » à quoi l’Italien répondit par une « paire de soufflets ». L’affaire fut portée devant la justice et le cocher pu être acquitté grâce au soutien de son maître. C’est ce même cocher, en 1911, qui est au volant de l’automobile de Rostand lors d’un impressionnant accident. Après avoir travaillé auprès des Rostand, Antoine Rondoni ouvrir le premier garage automobile de Cambo-les-Bains. |
De nombreux compagnons à poils et à plumes
Dans cette famille bourgeoise, les animaux ont toute leur place. Outre les chevaux, le domaine voit se croiser pas moins de 40 chiens hébergés dans un grand chenil situé à côté des écuries. Parmi les races que le couple Rostand possédait, on dénombre des chiens de montagne, des chiens de garde, des loulous de Poméranie (Prince), des épagneuls, des bouledogues, des dalmatiens, des chiens de police, des japonais, des bergers des Abruzzes, des bergers belges, des bull-terriers (Clémencette), un groenendael (Patou). Ci contre de gauche à droite: le dessin de Rostand au dalmatien de Clémentine Dufau, une photographie de Rosemonde portant ses loulous de Poméranie, Jean enfant tenant un jeune Jack Russel et un portrait de Rosemonde avec son chien berger. La presse de l’époque relate des anecdotes sur les Rostand, notamment Rosemonde Rostand, qui expérimentent des séances de dressage ou encore d’hypnose. Elle participe également à de nombreuses expositions canines où ses animaux remportent plusieurs prix : lévriers, dalmatiens, petits chiens de luxe à poil ras, … |
Extrait du journal Excelsior du 30 décembre 1910 | Extrait du journal Comoedia du 30 juillet 1910 | Extrait du journal Gil Blas du 7 décembre 1913 |
Jean Rostand devant le chenil d'Arnaga | Plan détaillé du chenil et de sa cour en 1905 par Joseph Tournaire. Le chenil était situé à proximité immédiate des écuries. |
« Au poulailler, il y avait les plus jolies poules du monde, et les plus rares. Au pigeonnier, des pigeons et des paons. Les perroquets, à cause de leurs cris gutturaux, avaient été relégués au moulin. »[1]
Cet attachement pour les animaux et leur ode dans la pièce Chantecler offrent à Edmond Rostand la reconnaissance de la Société protectrice des animaux qui lui décerne en avril 1910 un grand diplôme d’honneur.
[1]Edmond Rostand, une vie. «Une famille extraordinaire» de Pierre Espil (ed. Mondarrain, 1998)